c) Innovations

La coloration de nos jours est le fruit d’un siècle d’innovation. D’abord simple défi lancé par les professionnels, la coloration est devenue un véritable phénomène de mode. En effet, elle est utilisée pour dissimuler le vieillissement, ou encore améliorer l’apparence. Le marché s’est approprié cette tendance, et on dénombre ainsi un très grand nombre de colorations différentes. Le but marketing est alors de répondre à une demande de plus en plus croissante et exigeante. Aujourd’hui les scientifiques cherchent avant tout à concilier performance et respect du cheveu au sein d'un même produit.

Innovations

  • Des colorations ancestrales

Les produits de coloration capillaire sont utilisés depuis très longtemps. En effet, de nombreux documents et objets extrêmement anciens, retrouvés dans des tombeaux de Pharaons  tels que Ramsès II, en Egypte, témoignent de l’usage précoce de colorants à des fins cosmétiques. Les Grecs, les Hindous, les Chinois, et même les Romains employaient couramment certaines méthodes de coloration capillaire.

Au IIème siècle, les rapports écrits par le médecin Galien témoignent de l’usage de l’oxyde de plomb et la chaux éteinte. Ces substances sont mélangées à un peu d'eau pour former une pâte qui noircit la chevelure après application. On observe alors la présence de nombreuses particules de plomb, qui ont pénétré au cœur des fibres du cheveu.

                                                      

                                                                                             Pénétration progressive du plomb au coeur du cheveu.

 

Cette méthode de coloration, en plus de mettre en jeu des matériaux simples et peu chers, préserve les propriétés du cheveu.

Cette technique de coloration, vieille de près de 2000 ans, a alors été conservée jusqu'au XXIème siècle. Effectivement, on retrouve des teintures similaires encore commercialisées aux Etats-Unis.

Jusqu’à la moitié du XIXème siècle, les produits de colorations capillaires sont faits à partir de matières naturelles, issues de plantes ou de métaux. Les méthodes employées sont alors diverses, mais certaines sont très dangereuses. Par exemple, chez les Romains, on retrouve l’utilisation de la molécule d’acétate de plomb, responsable de la maladie du saturnisme. On trouve aussi des traces d’oxyde d’argent noir (de formule Ag2O) et de cyanures métalliques, tels que les cyanures de sodium, de potassium et de calcium. Ces derniers sont en effet plus adaptés aux préparations pour coloration capillaire, car ils sont plus solubles dans leur milieu d’emploi. Ces substances sont cependant très toxiques, et leur action est rapide.

Les hommes utilisaient le henné pour se teindre la barbe, extrait des feuilles du végétal qui contiennent un colorant brun-rouge, appelé acide hennotannique. Cette molécule réagit chimiquement avec la kératine du cheveu, garantissant alors une coloration profonde et durable. De l’indigo ajouté à cette préparation produisait un colorant brun-noir.

 

L'arbuste henné.

 

Poudre de henné, prête à être incorporée à une préparation.

 

Ces témoignages de l’Histoire démontrent donc que, depuis tout temps, les Hommes cherchent à exploiter les infinies ressources de la nature, au service de la beauté. Ils les mettent à contribution pour innover sans cesse.

  • La naissance d’une mode

Dès la fin du XIXème siècle, on observe des progrès spectaculaires dans le secteur de la chimie. La découverte d’une possible synthèse de molécules naturelles, et l’élargissement des molécules de synthèse procurent une palette de couleurs encore plus étendue que celle des couleurs naturelles.

Les colorations capillaires s’étendent ainsi à la société, et deviennent accessibles à tous, avec pour objectif esthétique de masquer les cheveux blancs.

En 1907, le chimiste français Eugène Schueller créé la première teinture capillaire, qu’il nomme « L’Auréale ».

Deux ans plus tard, il fonde la Société Française des Teintures Inoffensives, qui deviendra ensuite le groupe L’Oréal.

Campagnes de publicité pour le lancement des "Teintures inoffensives" de L'Oréal.

 

Publicité pour "Imédia", teinture composée de colorants organiques.

 

 

Au milieu des années 1920, les colorations par oxydation, qui mettent en jeu une décoloration puis une recoloration du cheveu, connaissent un essor remarquable.

La mode des colorations capillaires est née. Cette dernière acquiert progressivement une fonction esthétique, dans le but de changer l’apparence.

Actuellement, de nombreux changements sont opérés dans la composition des produits, notamment au niveau des additifs. Ainsi, si la découverte de nouvelles molécules colorantes fait l’objet de nombreuses recherches, la formulation de « recettes performantes » de coloration est d’autant plus importante.

Pour répondre aux exigences des consommateurs, les professionnels de la coloration sont donc contraints d’adapter leurs produits, en y apportant de nombreuses innovations.

  • Diverses contraintes qui impliquent une évolution continuelle des produits de coloration

Les produits de colorations capillaires doivent répondre à certains critères. Parmi ces derniers, on retrouve différentes fonctions que les produits doivent impérativement remplir.

La fonction principale d’un produit de coloration est, comme son nom l’indique, de colorer les cheveux. La durée de la tenue de la couleur varie selon le type de coloration.

On dénombre ensuite plusieurs fonctions secondaires :

  • La coloration doit être homogène sur l’ensemble de la chevelure. Elle ne doit pas présenter de variation de la couleur.
  • La coloration ne doit pas se détériorer. Elle doit être durable, conserver son éclat et sa qualité de départ.
  • Le produit doit être respectueux du cheveu. Il doit également pouvoir être combiné avec d’autres traitements capillaires, tels que le gel ou la laque.
  • La coloration doit présenter une certaine résistance aux shampoings, différente elle aussi en fonction du type de coloration. La coloration temporaire doit pouvoir être complètement enlevée après quelques shampoings, alors que la coloration semi-permanente doit s’estomper progressivement au fil des rinçages. La coloration permanente, quant à elle, ne doit pas être affectée par les shampoings.

Différents types de colorations ont vu le jour pour permettre aux professionnels de s’adapter à la demande du marché, et ainsi cibler diverses attentes des consommateurs. On dénombre trois grandes familles de teintures capillaires : les colorations temporaires, semi-permanentes et permanentes. Leur composition, leur mode d’action et leur rendu ne sont ainsi pas les mêmes, de manière à proposer une gamme de produit la plus large possible.

  • De nombreuses innovations qui reflètent l'évolution de la demande


Plus récemment, les groupes Schwarzkopf et L'Oréal ont apporté de nouveaux changements à leurs produits.

Par exemple, en 2003, L'Oréal fait breveter sa coloration "Rubilane", dont la molécule qui constitue la base peut interagir avec différents coupleurs, chaque couplage diffusant une lumière monochromatique. Cette teinture capillaire procure donc un effet de couleur intense et lumineuse.

En 2009, l'entreprise américaine RBE-Colors (Renewable Botanical Enviro Colors) met sur le marché la première coloration sans PPD et à base d'ingrédient 100% naturels.

En 2012, L'Oréal lance "Inoa", coloration permanente révolutionnaire, sans ammoniaque et à base d'huile de fleurs. Le laboratoire a d'ailleurs fait breveter sa technique ODS (Oil Delivery System), grande innovation dans le domaine des colorations capillaires.

Voici une vidéo explicative, qui présente cette nouvelle génération de colorations "naturelles" :

Pour accéder à la vidéo en ligne, ou pour la visionner en plus grand format, cliquez ici.

  • Des mécanismes développés pour l'étude du cheveu

Pour assurer une qualité et une performance optimale des produits de coloration, les scientifiques ont développé de nombreuses machines, dont le processus permet de mener des recherches approfondies sur le cheveu et l’impact des produits capillaires sur celui-ci. Chaque produit est alors soumis à de nombreux tests, qui vérifient que les substances n’endommagent pas le cheveu.

Parmi ces outils, on distingue la microscopie confocale laser, le xénotest et le spectro-photo-goniomètre.

La microscopie confocale laser permet d’observer le cheveu à différentes profondeurs. Effectivement, le laser « découpe » virtuellement le cheveu en fines lamelles. Le produit à étudier est repéré grâce à des marqueurs fluorescents, qui permettent de suivre son action au cœur du cheveu, et à différentes échelles.

Cet outil est utilisé pour assurer la qualité des produits capillaires et évaluer leur efficacité, notamment au niveau du respect de la structure du cheveu.

Microscope confocal laser

 

Le xénotest est, quant à lui, utilisé pour tester la résistance des colorants. Des mèches de cheveux colorés sont disposées autour de lampes au xénon qui reproduisent la lumière solaire. Le taux d’humidité est variable, et il est régulièrement modifié. La couleur des cheveux est observée avant, puis après l’expérience.

Les colorants qui résistent à ce traitement sont jugés très résistants à la lumière du soleil et aux intempéries.

Mécanisme du xénotest

 

Le spectro-photo-goniomètre enregistre et analyse les réflexions effectuées par une mèche de cheveu colorée, éclairée par des rayons obliques. L'aspect lumineux du cheveu reflétant son état de santé, l’action des produits capillaires sur ce dernier est donc mise à l’épreuve.

Spectro-photo-goniomètre

  • La création d'espaces de recherche pour assurer un développement continuel des produits de coloration

Le groupe L'Oréal a inauguré, le 28 mars 2012, son nouveau centre mondial de recherche entièrement dédié aux cheveux. Situé à Saint-Rouen, il abrite 500 chercheurs, dont l'objectif est d'apporter de nouvelles voies d'innovation dans le domaine des produits capillaires.

L'entrée du centre

Le groupe se concentre particulèrement sur les produits de colorations (qui réalisent 37% de ses ventes mondiales), en mettant au point des techniques de pointe et ainsi développer la R&D (Recherche et Développement) dans ce domaine.

 

Des techniques de pointe

 

Cibler les attentes des consommateurs

Chercheurs testant des produits de coloration capillaire sur des volontaires. L'objectif est de créer des produits de coloration adaptés à tout type de chevelure.

 

Adapter les produits aux marchés locaux

Robot mesurant la densité des cheveux

  • La coloration de demain

Les consommateurs accordent aujourd’hui de plus en plus d’importance aux colorations « naturelles », agissant dans le respect du cheveu et de l’environnement.

par conséquent, les coloristes cherchent par à créer le plus de nuances possible, de manière à apporter brillance, reflets et profondeur à leurs teintures. Le consommateur ne doit pas avoir l’impression d’une couleur plaquée sur le cheveu, mais au contraire avoir l’illusion que le cheveu n’est pas coloré chimiquement.

La couleur d’une coloration est donc désormais définie par une multitude de colorants : cette dernière est constituée d’une association de bases, qui donnent le fond de la couleur ; et de coupleurs qui modifient les nuances pour leur apporter des reflets. 

Ainsi, la coloration des cheveux n'est plus perceptible, elle doit avoir l’air « naturelle ». Les scientifiques s’attachent donc à imiter la nature, ce qui explique la naissance de la biomimétique. Initiallement développée pour redonner de la couleur aux cheveux blancs en reproduisant le mécanisme de coloration naturelle des cheveux, elle s’étend désormais à toutes sortes d’utilisations. Dans le domaine des colorations capillaires, il s’agit ainsi d’imiter le processus biologique de la création de la mélanine, opérée par le mélanocyte.

Un exemple d’expérimentation de cette science est la découverte de la synthèse de l'eumélanine, pigment brun-noir produit par la mélanine. Son précurseur est la 5,6-dihydroxyindoline. Introduit à une préparation déposée sur les cheveux en plusieurs couches, il s'oxyde au contact du dioxygène de l'air, rendant petit à petit au cheveu sa couleur perdue.

Représentation de la molécule 5,6-dihydroxyindoline.

D'autres recherches sont menées sur la phéomélanine, mais cette dernière est plus complexe à synthétiser, et les expériences ne sont pour le moment pas concluantes.

Ainsi, de meilleures études du cheveu et de sa composition ont amené de nombreuses innovations dans le domaine des colorations capillaires. Les produits sont ainsi plus efficaces et moins dangereux.